Entretien avec Mme Cucchi Françoise,

dernière habitante de La Tourrevelle

(entre 1960 et 1997)

 

 

Jean-Philippe Cucchi (appelé Jeannot) a eu une jeunesse turbulente en Corse, dans son village de Terra-Bucceta, puis à Marseille. C’est à Toulon qu’il rencontre Françoise, sa future épouse. En 1960, ils viennent habiter La Tourrevelle, maison perchée sur un flanc de colline sauvage qui rappelle à Jeannot sa terre natale. Ils demandent aux propriétaires, M. et Mme Bauer-Cellier, de remettre en état les bâtisses : les toits, les plafonds et les murs sont refaits à neuf. Vers 1964, une ligne téléphonique est installée, suivront rapidement la route goudronnée (sur le tracé de l’ancien chemin de terre) et l’eau courante.

 

Installation de l’eau de ville :

Une citerne de 10 000 litres a été construite 30 mètres au-dessus de la maison. Dans cette citerne, un flotteur contrôlait le niveau d’eau qui, lorsqu’il était trop bas, déclenchait une pompe électrique qui se trouvait … 400 mètres plus bas, à l’entrée de la propriété. La citerne alimentait la totalité des maisons de La Tourrevelle.

 

Mme Cucchi a le permis de conduire, il y a l’eau courante, l’électricité, le téléphone, une maison remise à neuf, un cadre féerique, un couple heureux : la vie au paradis pouvait commencer. 

Leurs six enfants (Paul, André, Jacques-François, Simon, Aurélie et Jean-Raoul) vont partager ce paradis avec leurs parents et de nombreux animaux : jusqu’à 150 chèvres, jusqu’à 30 moutons, des cochons, des canards, des poules, des pigeons, des pintades, des lapins et 3 chevaux. La Tourrevelle, c’est la ferme du bonheur.

 

La bâtisse principale :

La vieille tour (tour vieille = tourrevelle ?) servira de point d’appui pour l’extension de la bâtisse principale : cette vieille tour est au nord-ouest de l’ensemble actuel. Dans cette vieille tour, il y a une pièce dite « La souillarde », en souvenir de l’époque où c’était un rendez-vous de chasse, une gentilhommière.

Dans le « garage », nous trouvons encore des anneaux aux murs, anneaux qui servaient alors à attacher les chevaux.

Au premier étage, il y avait, entre 1960 et 1997, 5 chambres, une cuisine, une salle de bains.

 

La petite route goudronnée :

         Elle serpente sur ce flanc de colline sauvage. Elle-même est sauvage : difficile dans le sens la montée pour un véhicule, terrifiante dans le sens de la descente, avec de nombreux lacets serrés qui tentent de compenser une pente importante.

         Elle protège naturellement la ferme. Nombreux sont ceux qui refusaient de monter à La Tourrevelle par ce chemin :

-         le facteur qui laissait le courrier à l’entrée,

-         le boulanger qui, au même endroit,  laissait tous les jours le pain dans une caisse en bois totalement étanche. Dans cette caisse, une fois par semaine, M. Mme Cucchi déposaient une enveloppe dans laquelle il y avait le montant dû au boulanger,

-         M. Vidal, alors médecin en activité, qui, lorsqu’il fallait venir soigner les enfants, demandait à Mme Cucchi de venir le chercher en voiture en bas de la propriété,

-         Le médecin remplaçant de M. Vidal qui préférait soigner par téléphone,

-         Et les livreurs qui, terrorisés par cette route, abandonnèrent, en 1960, le réfrigérateur à la hauteur de la grotte de Lespine car ils n’osèrent pas aller plus haut !

 

1997, la fin du paradis :

La Tourrevelle change de propriétaire : le Conseil général achète le domaine. Un courrier est adressé à Mme Cucchi, courrier lui demandant de quitter les lieux. La promesse de M. Vidal (maire du Revest-les-Eaux) ne sera pas respectée : le maire s’était engagé à maintenir la famille Cucchi à La Tourrevelle. Après le décès de M. Vidal, une pétition nauséabonde aboutira en mairie. Un journal satirique toulonnais écrira : « Un hobereau du département y installe son fils. »

Mais finalement, personne ne remplacera la famille Cucchi. Les vandales laissent La Tourrevelle aux vandales : en 1998, les bâtisses sont ruinées !

 

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