SOCIÉTÉ DES AMIS DU VIEUX REVEST ET DU VAL D’ARDÈNE

 

Bulletin numéro 11 – 1989

 

 

JULES VERNE : à la découverte d'un arrière-grand-père

par Jean VERNE

 

Me   demander  de   parler   spontanément  de   mon ancêtre, c'est se résigner à un long silence, car disparu il y a plus de 80 ans, Jules VERNE est pour son arrière-petit-fils comme HUGO, DUMAS ou BALZAC un nom illustre, une légende, mais pas un souvenir.

 

Certes mon père qui  l'a connu au cours des 12 dernières années (1892 à 1905) a dû m'en parler, mais, enfant, ces histoires ne s'ancraient pas dans ma mémoire, et, il faut le dire, les romans de cet illustre ancêtre m'ennuyaient.

 

Aujourd'hui, à 25 ans, je découvre Jules VERNE comme n'importe qui et me surprend à me passionner pour son œuvre. Cette admiration nouvelle n'a rien de "sentimental", mais est réellement la révélation d'une pensée universelle et tellement humaine qu'elle n'a pas d'âge.

 

Fort des nombreuses biographies, articles et revues parues sur l'auteur le plus traduit du monde, voici un rapide portrait de l'homme qu'était Jules VERNE. Cette esquisse reste volontairement superficielle: chaque homme garde à jamais son mystère.

 

Silencieux et fermé avec les inconnus, aimable et spirituel pour les amis, impulsif, imaginatif, angoissé, intrépide, Jules VERNE avait un goût profond pour la solitude et la force de volonté. Ses passions implosaient, et ne se révélaient que dans ses œuvres, comme un révolutionnaire souterrain.

 

Sa jeunesse fut des plus banales et le seul relief qu'il y mit, fut une escapade sur un navire dans le port de Nantes. Qu'il ait eu 11, 13 ou 17 ans, cet incident mineur fut exploité comme la clé de son génie, de manière aberrante plus tard. Gommons cette aventure pour ne garder du jeune Jules VERNE que la probable réalité d'un garçon passionné mais calme de comportement, qui lit beaucoup et travaille normalement en classe. Il nourrira dès sa jeunesse trois passions: la liberté, la musique et la mer.

 

À la fin de son adolescence, il aimera sa cousine Caroline avec ardeur, ardeur que l'on tempérera en l'expédiant finir ses études de droit à Paris. Il a 19 ans. De ses amours de jeunesse, on retiendra aussi Herminie et Laurence pour qui il écrit de très nombreux poèmes. Amours déçus: les deux jeunes filles se marient.

Au cours de ces dix années parisiennes de célibataire, il mènera de front ses études de droit (il sera avocat) et ses recherches littéraires orientées surtout vers le théâtre. Il écrira plus de 30 pièces et de nombreuses nouvelles, obtenant peu de succès. Pour vivre, il sera pendant 2 ans secrétaire du Théâtre Lyrique mais se liera avec nombre de jeunes intellectuels et artistes.

 

En  1856,  il rencontre Honorine,  une jeune veuve avec deux enfants. Jules VERNE tombe amoureux, et, écoutant à la fois le cœur et la raison (il va avoir 30 ans), il l'épouse en 1857. En 1861 naît son seul enfant, Michel. Il travaille alors à un certain " Voyage en ballon " qu'il propose à l'éditeur Jules HETZEL, en 1862.

 

HETZEL   cherchait   alors   un   écrivain   pour   une collection qui mêlerait la science et les découvertes techniques à un roman d'aventure. Ce " Voyage en ballon H correspond à ce projet, et après de multiples remaniements, il paraît en 1863 sous le titre " Cinq semaines en ballon ". C'est un succès immédiat, et un contrat lie dés lors les deux Jules. VERNE connaîtra la route de la célébrité, HETZEL, celle de la fortune. Collaboration étroite mais pas sans points noirs, les spécialistes d'aujourd'hui jettent la pierre sur l'éditeur qui empocha huit fois plus que l'écrivain sur chaque roman, et qui établit une censure exagérée, exigeant de la part de Jules VERNE de grands remaniements. Mais sans l'idée des "Voyages extraordinaires" d'HETZEL, parlerait-on encore de Jules VERNE ?

 

45 années de gloire  littéraire finiront d'accomplir Jules VERNE. 45 années de lutte avec un fils instable, qu'il ne comprendra jamais et qui l'enfermeront de plus en plus dans le travail d'écrivain et de conseiller municipal d'Amiens où il s'est installé en 1872.

 

Poète,   philosophe,   créateur,   visionnaire   génial, Jules VERNE s'éteint en 1905 succombant à une crise de diabète. Il laisse plusieurs centaines de romans, de pièces, de nouvelles, de poèmes et d'études.

 

Alors, Jules VERNE,  écrivain  pour la jeunesse ? Spontanément, aujourd'hui, je réponds non. En son temps le romancier était lu par tous, aujourd'hui l'Université s'en empare et détruit enfin la légende de l'inventeur prophétique, pour reconnaître le philosophe qui a compris que la science pouvait modeler la civilisation, l'enrichir ou la détruire suivant le degré de folie des hommes. Quand il décrit ces machines infernales, elles sont déjà à moitié inventées et il en tire une simple fiction qui préfigure le sens d'évolution de notre civilisation. Il a su dire dans un style simple et puissant la matière permanente et profonde qui fait l'Homme et sa civilisation. Comme Jean de la FONTAINE, il présente sa pensée d'une manière originale, et c'est à tort que certains éditeurs ont classés les deux auteurs dans la collection "Jeunesse". Ces deux grands visionnaires de l'âme humaine sortent peu à peu de cette incompréhension Jules VERNE aujourd'hui, LA FONTAINE bientôt.

 

 

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