par le
dr. Laurent Porte ( Bulletin des Amis du
Vieux Revest, numéro 11-Mai 1989)
Le cade ou juniperus oxycedrus, genévrier oxycèdre,
cèdre piquant, fait partie de la famille des conifères, genre genévrier, dont trois
espèces sont répandues dans nos régions, soit, outre le cade, le genévrier (juniperus vulgaris ou communis) et le « mourven »
ou genévrier de Phénicie qui a la particularité de ne pas piquer. Le caractère
commun aux trois espèces est d’avoir des baies qui mettent deux ans à mûrir.
Ces baies sont de petite taille, quatre millimètres de diamètre, de couleur bleu-noir chez le genévrier, deux fois plus grosses environ
et de teinte marron chez le cade et le mourven.
La grande longévité du cade lui permet de dépasser dix
mètres de hauteur. Le plus gros que nous avons rencontré mesure
Seul l’oxycèdre donne de
l’huile par combustion incomplète de son bois. Cette huile est un liquide brun
foncé avec, par agitation, des reflets rouges, d’odeur forte rappelant le
goudron fumant, aux propriétés médicinales exceptionnelles.
Utilisée de longue date par les Provençales à raison
de quelques gouttes dans une bassine d’eau pour se rincer les cheveux, elle est
actuellement à la base de shampoings de toutes les grandes marques.
En médecine humaine, elle fut un produit majeur en
dermatologie jusqu’à la découverte en 1935 des sulfamides puis des
antibiotiques fongiques. Elle est encore employée dans certaines indications en
préparations concentrées.
En soin vétérinaire, elle était souveraine contre la
gale et les teignes animales, précieuse dans les affections des sabots, le
« crapaud » des chevaux et le « piétin » du
mouton. De nos jours, tous les bergers et les éleveurs l’utilisent largement.
Elle est excellente pour raffermir les coussinets des pattes des chiens.
L’huile était fabriquée dans nos régions dans des
fours en grosses pierres sèches, massifs, de 2,50 à
Les faces latérales du four sont rectilignes et
verticales. Au centre de la structure, une fosse grossièrement arrondie est
délimitée par un autre mur en pierres sèches, qui s’incurve en voûte sur
l’arrière pour ménager l’espace dévolu au foyer.
Entre les murs externe et interne un colmatage de
terre assurait étanchéité et isolation thermique.
Dans la fosse, était édifié en briquettes réfractaires
l’organe de distillation qui reposait sur le grand carreau basal, et qui avait
une hauteur moyenne de
Le bois de cade était récolté par section de l’arbre à
la base et extraction de la souche au
pic, puis débité en bûchettes de 15 à
Les fours étaient allumés à l’automne, après les
vendanges, pour prévenir les incendies. Le « fabi »,
après obturation de la « porte » par un grand carreau
vertical, était rempli de bûchettes, puis fermé par une pierre plate.
Le foyer était bourré de tous les bois disponibles, ce
qui nettoyait la forêt. La chauffe durait 24 heures et produisait de 15 à
La durée d’utilisation d’un four était de 3 ans en
moyenne.
Notre enquête, poursuivie pendant 7 ans, a permis de
recenser 173 fours. Commencée dans les cantons du sud-ouest varois, nous
l’avons élargie aux départements voisins, ce qui a ajouté aux 162 fours situés
au sud de la chaîne de
En ce qui concerne le Revest,
Mr Pierre Trofimoff m’avait aimablement informé de
mentions de plusieurs fours à cade relevées sur la commune dans ses recherches
historiques. Malheureusement tous les nombreux contacts que j’ai pu avoir avec
des personnes qualifiées à divers titres n’ont pu aboutir à la découverte de
fours, sans toutefois être totalement négatives.
Outre plusieurs fours à chaux, j’ai pu ainsi connaître
2 bories intéressantes, l’une type abri de berger que m’ont indiqué les
« Amis du Vieux Revest », au sud-ouest des Olivières, l’autre magnifique, en énormes pierres de
taille, en partie enterrée volontairement pour former un abri contre les
projections de mines de la carrière, au quartier Fiéraquet
où j’ai été conduit par Mr Marius Long.
Mais comme le hasard sourit parfois aux êtres
passionnés, je suis tombé sur un four à cade, qui avait échappé même aux
chasseurs de sangliers. Il se trouve au lieu dit « le col de Tourris » dans le Grand Cap. Il ne mesure que
Pourquoi ne retrouve-t-on pas plus de vestiges au Revest alors que les documents bibliographiques en portent
témoignage ? Bien sûr, d’autres fours peuvent nous avoir échappé, enfouis
dans la végétation. Je crois plutôt que les mentions font référence à des types
de fours plus rudimentaires, plus anciens, sortes de fosses dans lesquelles on
traitait indifféremment du bois de pin pour obtenir de la poix ou du cade pour
fabriquer l’huile. Ou peut-être encore au procédé de la « marmite »
qui consistait à renverser sur une grande pierre un récipient en fonte rempli
en force de bûchettes de cade, puis allumer un feu ardent autour. La pierre,
calcaire de notre région, se transformait rapidement en chaux et s’effritait.
Notre but est de sortir de l’abîme de l’oubli ce qui
fut dans nos cantons une véritable industrie.
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