Teisseire René Alexandre Edouard
Extrait du « Maitron »
par Jacques Girault,
Professeur des Universités à Paris 13
Teisseire René est né le 30 octobre 1912 à
Toulon, instituteur, marié, trois enfants, secrétaire général de la section du
Var du Syndicat national des Instituteurs (1945-1946).
Son père, originaire de Belgentier (Var),
dessinateur à l’Arsenal maritime de Toulon, membre du cercle socialiste
éphémère de Belgentier, se présenta aux élections
municipales dans cette commune. Sa mère, titulaire du brevet élémentaire, avait
travaillé pendant la guerre à l’Arsenal. Elle assura pendant quelques années
les garderies du jeudi dans les écoles de Toulon. Institutrice suppléante dans
divers postes du département, notamment à La Mole, elle fut titularisée en 1930. Ils avaient
deux enfants et habitaient le quartier de Saint-Jean-du-Var
René Teisseire reçut les sacrements
catholiques. Après des études à l’école primaire supérieure Rouvière,
il entra à l’Ecole normale d’instituteurs de Draguignan (Var) en 1930 après
avoir été classé sur la liste complémentaire, l’année précédente. Il effectua
son service militaire comme instructeur à l’école des mécaniciens de la Marine à Toulon (octobre
1933 – septembre 1934). Il se maria en septembre 1934 à Toulon avec une
institutrice qu’il avait connue par la pratique du scoutisme à l’Ecole normale.
Ils firent seulement baptiser leurs enfants pour ne pas déplaire à leurs
familles.
Le couple fut nommé à Nans en 1934. Teisseire
vota au premier tour des élections législatives de 1936 pour le député sortant,
devenu membre du Parti socialiste de France, Carmagnolle.
Il adhéra par la suite à la section socialiste SFIO de Nans. Membre de la Libre Pensée, il
faisait partie aussi du mouvement de la coopération à l’école. Initié à la Franc-maçonnerie,
loge de l’Ecole de la Sagesse
(Grand-Orient de France) à Brignoles en 1936,
spécialisé dans les questions du pacifisme et de la peine de mort ; il
était toujours affilié en 1999. Mais pour ne pas cautionner certains
engagements de l’obédience, il ne payait plus qu’une partie de sa cotisation
annuelle.
Teisseire fut mobilisé en septembre 1939 dans
la Marine
nationale (compagnie de gardes au 5ème dépôt à Toulon). Déplacé
d’office à Ginasservis en janvier 1941, malade, il ne
rejoignit son poste que trois mois plus tard. Pendant la guerre, en relation avec
les résistants locaux, il participa à la réorganisation administrative et
sanitaire du village comme membre du Comité local de Libération et comme
secrétaire de mairie jusqu’en septembre 1945.
Teisseire exerça par la suite, avec son
épouse, à Solliès-Toucas à partir d’octobre 1945.
Détaché officiellement de 1951 à 1959, dans les faits il l’était depuis mars
1947 (selon Julien Teisseire) ou de 1948 (selon une
lettre écrite par René Teisseire en 1955). Titulaire
fictif, avec l’accord de l’inspection d’Académie, de postes à Solliès-Pont
(avec son épouse) puis à l’école du quartier Font-Pré
à Toulon, il reprit une classe dans
l’école de Dardennes au Revest
à la rentrée 1959, dont il devint, en 1961, directeur, poste qu’il conserva
jusqu’à sa retraite. Il habitait La
Valette depuis 1949.
Teisseire devint membre du conseil syndical
de l’Union générale, section départementale du Syndicat national des
instituteurs dont la première réunion se tint le 15 novembre 1934. Il le
demeura jusqu’à la guerre, particulièrement actif dans la commission de défense
laïque dont il assura le secrétariat. Il critiqua fortement la condamnation par
l’Eglise des hebdomadaires catholiques à orientations sociales, Sept et
Terre nouvelle, dans le bulletin de mai 1938, sous le titre « Main
tendue ». Il concluait ainsi : « tendre la main, une naïveté,
peut-être même une lâcheté à moins que ce ne soit qu’un vil
marchandage ! ». Ainsi, en juin, Amable Mabily, instituteur communiste, qualifia-t-il cet article
de « méchanceté inutile » lui reprochant de ne pas désigner le groupe
visé.
Quand le syndicat se reconstitua après la Libération, membre du
conseil syndical, pour éviter qu’un communiste, seul candidat, soit élu, sur la
suggestion d’Alziary (voir ce nom dans le Dictionnaire biographique du
mouvement ouvrier français) bien que membre des Amis de L’Ecole émancipée,
Teisseire fut élu secrétaire général, le 4 juillet
1945, obtenant 8 voix au premier tour puis 9 au tour suivant. Il fut le dernier
secrétaire général à conserver une classe d’enseignement, son successeur fut
détaché. Il proposa notamment au Préfet
de subventionner la
Fédération des amis de l’école laïque (mai 1946). Après avoir
participé au congrès national du SNI, il démissionna de cette responsabilité,
le 27 septembre 1946, tout en demeurant secrétaire-adjoint
et responsable de la commission d’action laïque (futur Cartel départemental
d’action laïque), qu’il avait proposé en octobre 1946, et à la fédération des
amis de l’école laïque. Au référendum du 12 mars 1948, il se prononça pour que la FEN choisisse l’autonomie. Le
13 mai 1948, il vota la mise en demeure de quitter le bureau de la Fédération de
l’Education nationale-CGT, vœu visant certains
membres du conseil syndical. Réélu au conseil syndical à la fin de 1949 sur la
liste « pour un syndicalisme indépendant et constructif », il
accepta, le 2 juin 1949, la motion revendiquant l’autonomie et demandant la
« reconstruction d’une CGT démocratique ». Lors de cette élection, il
figurait aussi sur la liste présentée par L’Ecole émancipée. Au sein du
conseil syndical, il était délégué au Cartel départemental d’action laïque, au
comité départemental des parents d’élèves. Secrétaire de la commission d’action
laïque et du comité départemental de parrainage des écoles de l’Ouest, il faisait
partie du comité de rédaction du bulletin. Avec le secrétaire du SNI Jourdan
(voir ce nom dans le Maitron), il signa un appel au
Conseil général pour obtenir une aide pour les organisations laïques, le 22
janvier 1949. Les sommes importantes obtenues furent réparties par les soins du
SNI et de la Fédération
des Œuvres Laïques. Aussi le secrétaire du Cartel national d’action laïque
Clément Durand cita-t-il le Var en exemple. Mais le Conseil général, à majorité
socialiste, conservait le « contrôle absolu » de l’utilisation de ces
subventions et par là même faisait dépendre les œuvres laïques de ses
largesses.
Teisseire utilisait certaines méthodes
modernes depuis la fin des années 1930. Par l’intermédiaire d’Alziary, après la guerre, il rencontra le couple Freinet,
effectua un stage (11-14 novembre 1945) à Saint-Paul-de-Vence, pratiqua les
méthodes nouvelles pour lui (imprimerie à l’école, journal scolaire) à Ginasservis. Quand il reprit la classe en 1959, il conserva
quelques techniques de Freinet. Il prit part à la commission pédagogique du
syndicat (1948-1952). En outre il militait pour la paix et contre le
militarisme.
Le militantisme laïc de Teisseire s’étendit
aussi à l’organisation et au développement de la Fédération des conseils
de parents d’élèves dans le département. La fédération varoise naquit le 1er
juin 1948 et il fut le premier secrétaire en tant que secrétaire adjoint de la Fédération des Œuvres Laïques (1948-1952). Il
désapprouva notamment les propositions faites pour que les adhérents de la FCPE s’inscrivent à la Ligue de l’enseignement.
A l’Ecole normale, Teisseire, à partir de
1930, avait été initié au scoutisme. Il fit un stage à Capy
(Oise) et devint le responsable des éclaireurs dès 1931. Les Normaliens
encadraient des enfants de la ville. En 1935, avec d’autres anciens élèves-maîtres, dont Rajau (voir
ce nom dans le Maitron), il créa les Camps laïques
dont le premier séjour se déroula à La
Foux dans la commune de Cogolin,
aidé par le Syndicat national des instituteurs qui lança des appels et patronna
des kermesses ; puis en 1938 et
1939, à Bargemon avec l’aide de l’instituteur local Delpui (voir ce nom dans le Maitron).
Après une saison à Ginasservis en 1942, le camp
reprit en 1945, couplé avec le camp créé par les Jeunesses socialistes, et en
1949 à Mont-Louis (Pyrénées orientales), sans les JS. Nommé par le Préfet, en
juillet 1946, Teisseire assurait l’intendance
générale comme régisseur comptable des dépenses. En raison de son expérience,
il devint, en 1950, le directeur des camps de vacances laïques au Logis du Pin
dont il a été un des fondateurs dans le Haut-Var.
A partir de mars 1947, Teisseire fut le
premier instituteur à être détaché « à titre officieux » auprès de la Ligue de l’enseignement,
puis officiellement en octobre 1951, à l’UFOVAL
jusqu’au 14 septembre 1959. Il assurait jusqu’en 1950 la totalité du travail de
cette organisation (secrétariat de l’association « Colonies et camps de
vacances laïques, secrétariat administratif). Jusqu’en 1949, le financement de
ces colonies provenait des actions militantes des actions laïques. Par la
suite, une part importante du financement fut attribuée par le Conseil général.
Le succès de ces colonies de vacances grandit : 244 colons en 1946, 1373
en 1959.
En 1950, Gérard Henry (voir ce nom dans le Maitron)
lui fut adjoint. Celui-ci devenu secrétaire général de la Fédération varoise des
œuvres laïques en 1951 commença à lui porter ombrage. Aussi, sans abandonner sa
délégation UFOVAL, le bureau fédéral (auquel il ne fut pas réélu en juillet 1955)
et le conseil fédéral, en 1954, Teisseire décida-t-il
de transférer son bureau chez lui. Désormais, son nom et la mention de l’UFOVAL tendirent à se faire plus rares dans les
publications et les affiches de la
FVOL. Il fut aussi accusé de mauvaise gestion
financière ; en réponse il affirma qu’on lui devait 275000 francs qu’il
avait consacré à l’organisation d’un camp
d’adolescentes dans le Haut-Var. Après l’avoir, le 18
octobre 1957, déchargé de ses tâches administratives et responsabilités
fédérales, le 7 décembre 1957, le bureau de la FVOL décida de le suspendre de ses fonctions de délégué UFOVAL. Le rapport de la commission d’enquête, en
février 1958, lui donna satisfaction et les accusations cessèrent
progressivement. En outre depuis 1954, il occupait les fonctions d’inspecteur
départemental des colonies de vacances.
Teisseire fut employé par le département
pendant 2 ans au titre de l’association des colonies et des camps de vacances
laïques placée sous l’autorité du département. Lors de la naissance de cette
dernière en 1954, l’adjectif « laïque » avait été omis, il l’avait
fait rétablir. En 1959, il désapprouva le nouveau projet renforçant le contrôle
du Conseil général. L’organisation associative fut néanmoins maintenue. Après
sa transformation en Office en 1960, puis en 1972, en Office départemental
d’éducation et de loisirs, Teisseire désapprouva
l’abandon de l’ancrage dans la laïcité. Mais il avait décidé de mettre fin à
toutes ses fonctions rattachées aux colonies de vacances en septembre 1959.
Ainsi prenait fin une période où Teisseire avait
combattu pour une autonomie de l’organisation des colonies de vacances dans le
Var et contre la tendance à la sélection sociale qui y progressait.
A la fin de son mandat de conseiller syndical au début de 1952, Teisseire quitta la plupart de ses responsabilités
syndicales pour se consacrer à sa délégation aux colonies et camps de vacances.
Mais il retrouva en 1954 le secrétariat de la commission d’action laïque. A
partir de décembre 1955, il se représenta pour le conseil syndical sur les
listes des amis de L’Ecole émancipée (1956, 1958, 1960, 1962, 1968). Sur
les questions des œuvres laïques, dans son conflit avec Henry, il reçut peu
d’aide de ses camarades syndicalistes, y compris de la part de ses amis de L’Ecole
émancipée. Ce contexte expliquait, sans doute, son appel à voter pour les
listes « Unité Indépendance et Démocratie » en 1973. Pourtant en
1990, il figurait à nouveau parmi les candidats de la liste de L’Ecole
émancipée en 37ème position comme « retraité ».
Teisseire fut élu membre du conseil
départemental de l’enseignement primaire en avril 1938. A nouveau candidat,
réélu, le 3 décembre 1945 avec 271 voix sur 291 votants et 336 inscrits, il ne
se représenta pas en décembre 1951. Membre
de la commission administrative paritaire départementale en 1948, il y siégea
jusqu’en 1952.
Quand la section départementale de la Mutuelle générale de
l’Education nationale se constitua, le 13 mars 1947, Teisseire
fit partie de son premier conseil d’administration.
Dans les années 1970, son épouse née Augusta Cotte, adhérente de la
section socialiste, se présenta aux élections municipales de la Valette sur une liste de
gauche.
Sources : Presse syndicale –
sources orales – renseignements fournis par l’intéressé – TEISSEIRE
Julien : idéologie d’un instituteur varois, des origines aux expressions.
René Teisseire, né en 1912 (mémoire de maîtrise,
Université de Provence, 2001, 232p ).
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