LES RÉGENTS DES ÉCOLES

 AU REVEST DE 1610 À 1789

par Roland Vernet

(Extrait du Bulletin des Amis du Vieux Revest)

 

La Société des Amis du Vieux Toulon et de sa Région a publié en 1926 dans le bulletin n° 11 (pp 197 - 218) une étude du Commandant LAFLOTTE intitulée LE REVEST ET SES ÉCOLES DE 1610 À 1789. L'auteur a patiemment étudié les archives municipales de cette époque ; il indique scrupuleusement les cotes (BB 2 f° 32 ou CC 115 par exemple) pour chaque fait signalé.

 

Ce recensement des régents des écoles, ainsi les nommait-on même s'ils ne dirigeaient qu'une classe, nous aide à comprendre un peu leurs  conditions de vie au Revest lès Toulon.

 

EMPLOI PRÉCAIRE

 

Ce qui frappe d'abord c'est la précarité de l'emploi. En 179 ans, 71 régents exercèrent leur art ce qui représente une moyenne de 2 ans et demi de présence par titulaire. Ce mouvement du personnel, nous dit l'auteur, est dû à cette idée persistante, à cette époque, au Revest comme ailleurs, qu'il était nécessaire de remplacer annuellement tous les employés municipaux ; les consuls, eux-aussi, étaient soumis à la même règle. Or le  régent, qui avait signé un bail annuel avec le Conseil des habitants et  qui, de ce fait, recevait des gages de celui-ci, était un employé municipal. On voit, par exemple, en 1678 Barthélémy Vidal quitter son poste pour le céder à  Barthélémy Artigues, alors trésorier de la communauté ; et en 1679 Barthélémy Artigues reprend son poste de trésorier et Barthélémy Vidal redevient régent des écoles.

 

 

 

PROBLÈMES DE RECRUTEMENT

 

Cette habitude et l'exigence de qualité imposée aux régents posent des problèmes de recrutement. On se heurte parfois à la rareté des candidatures. C'est pourquoi, en 1725, le valet de ville ira chercher un successeur au régent démissionnaire en cours d'année, et à cet effet on lui vota une paire de souliers. C'est un prêtre de Sénez (près de Castellane) qui accepta le poste. Rares furent les régents revestois ; on  compte 5 natifs du Revest  et 8 prêtres exerçant au Revest. Louis Bernard, lui, était de Six-Fours (1611), Raymond Augias de La Garde (1684), N. Latour de Solliès (1726) Melchior-Honoré Roux de Signes (1755), Pierre Clary du comté de Nice (1756), N. Maillet de Signes (1766), Honoré Potonier de Cotignac (1767).  Si le régent donnait satisfaction son bail était renouvelé, ce qui assurait la continuité de l'enseignement. Tenir l'école ouverte et être assuré d'un enseignement de bonne qualité était un gros souci pour la municipalité. Les candidats ne présentaient pas tous les conditions requises et, faute de mieux, il fallut parfois signer le bail. Mais la communauté n'hésitait pas à dénoncer l'engagement si la situation devenait insupportable. Des régents furent renvoyés au bout de quelques mois : le 12 août 1646, le prêtre Jean Rossolin ne donnant pas satisfaction est renvoyé ; en 1705, Jean Paillou, âgé de 19 ans, est destitué attendu qu'il a négligé "l'éducation de la jeunesse" et qu'il a peu d'expérience ; en 1714, Sauvaire Lions, prêtre, est destitué, sur plainte des parents, car il manque d'assiduité ; il avait été engagé attendu que "depuis la suspension de l'emploi, la jeunesse est d'une ignorance crasse." (ainsi parlent les archives) ; en 1725, Joseph Pascal est renvoyé lui aussi : trop jeune, peu assidu, peu expérimenté. L'école n'est pas encore obligatoire mais la population tient à l'instruction de ses enfants (lire, écrire, compter) et exige du régent qu'il leur dispense  une bonne éducation. Certains régents reprirent leur poste deux et trois fois, soit rappelés, soit de leur plein gré, après des périodes d'interruption plus ou moins longues. Remarquables de stabilité furent Claude Faucon ou Falcon (1631-1639), Barthélémy Vidal (1672-1677) et surtout Joseph Teisseire (1733-1744).

 

DIFFICULTÉS ÉCONOMIQUES DE LA COMMUNAUTÉ

 

Si le Conseil tenait à la présence permanente d'un régent des écoles, il essayait cependant de le payer le moins possible car les finances du village connaissaient souvent des difficultés dues aux mauvaises récoltes en ce pays de montagne,  aux impôts seigneuriaux aggravés quand les caisses de l'État et de la Province sont vides comme en 1710, année de gel terrible qui ruina les petits propriétaires. Les  bruits de guerre aussi déstabilisaient les finances, ainsi la communauté dut payer, en 1629, 10 sous pour chaque homme requis à Toulon pour la réfection des remparts et 350 livres en 1707 pour le contingent mobilisé à Toulon. L'entretien des bâtiments municipaux   ne peut pas toujours être assuré, c'est ainsi qu'il faut louer une maison pour l'école en 1680 "la maison commune étant devenue inhabitable" ; et le clocher menace ruine et  l'hôpital de la Miséricorde est délabré. Il fallait parfois emprunter au seigneur. Il arrive que l'école soit fermée provisoirement car on ne peut payer le régent : 1619 (mauvaise récolte, emprunt, menace de peste), 1629  (menaces de contagion, guerre) ; 1657-1659 ( bruits de contagion : la peste) ; 1707 (guerre dévastatrice : le prince Eugène assiège Toulon et ravage les campagnes et, bien sûr, Le Revest) ; 1710 (terrible nuit du 7 février qui gela tous les oliviers et augmentation de la taille ; l'école ferme le 11 mai 1710 "attendu qu'il n'y a plus d'enfants à instruire, soit par la mort, soit par l'absence ou abandonnement de presque tous les habitants" ; 1720-1722 (la peste: une grande partie de la population meurt).

 

DES GAGES PEU ATTRAYANTS

 

Les gages du régent lui sont versés par quartier (trimestre), celui de l'été, période de vacances, était moins élevé. Son salaire, comme celui des employés communaux, n'était pas très rémunérateur.  Lors de l'établissement du bail, les deux parties se mettaient d'accord sur le montant des gages, et le Conseil dut parfois se plier aux exigences du candidat, sous peine de n'avoir personne à placer sur le poste ou parce que le prétendant, connu, avait de solides références. Un complément de salaire leur était fourni par les parents d'élèves eux-mêmes. En effet, obligation leur était faite de nourrir le régent chez eux. Par la suite, les familles furent astreintes au paiement d'une certaine somme plus ou moins élevée selon le degré d'instruction de l'enfant. Ainsi, apprend-on qu'en 1678, le régent Barthélémy Artigues, Revestois, reçoit 6 livres supplémentaires pour la nourriture qu'il n'a pu prendre chez l'habitant. Et son successeur, en 1679, Barthélémy Vidal, qui est payé 48 livres, sera nourri par les parents ou percevra de ceux-ci, s'ils veulent échapper à cette obligation, mensuellement, par enfant, 7 sous s'ils "lisent et escribent" et 4 sous s'ils ne peuvent que lire. En 1684, Raymond Augias perçoit 60 livres par an plus la nourriture  à fournir, alternativement, pendant un mois par lui-même, et le mois suivant par les parents, moyennant  7 sous pour ceux qui apprennent à lire et à écrire et 5 sous pour les autres. Cette augmentation de salaire ne vise pas à favoriser le régent  mais à suivre l'évolution du coût de la vie.

 

La valeur de la livre a varié selon les lieux et les époques. La livre valait 20 sous. Le sou valait 12 deniers. Le franc remplace cette unité de compte le 18 germinal an III , entrant dans le système métrique nouvellement créé. En 1665, Vitalis gagne 45 livres  puis 48 deux ans plus tard. L'auteur de l'étude nous dit qu'à cette époque, la viande de mouton coûte 3 sous la livre, une tête de mouton avec la langue et les pieds 4 sous la livre, une tête d'agneau 6 sous la livre, le poisson de 3 à 6 sous la livre, et le pain (selon l'abondance de la récolte) de 15 à 36 deniers la livre (entre 1650 et 1750). En 161I, Louis Bernard est payé 30 livres par an. En 1660, Barthélémy Vidal perçoit 36 livres. Puis les augmentations se succèdent : 44 livres en 1672 ; 48 livres en 1679 ; 60 livres en 1684 ; 70 livres en 1692 ;  90 livres en 1705 ; 105 livres en 1716 est le point culminant ; les salaires oscillent ensuite entre 60 livres et 90 livres.

 

 

Étaient-ils logés ? Ce n'est qu'en 1756 que le bail de Pierre Clary évoque le logement : il percevra 60 livres pour son travail et 18 livres pour la location d'une maison. En 1759, Louis-Abram Issautier exige 90 livres, le logement et une petite rétribution scolaire. Il l'obtient, mais les habitants, les consuls excédés finissent par supprimer les fonctions de maître d'école "attendu que les enfants ne font aucun progrès".  (Elle sera rouverte en 1762). En 1766, N. Maillet lui aussi est logé, perçoit 90 livres de gages et, ce qui apparaît pour la première fois dans les archives, une rétribution scolaire mensuelle s'élevant à 6 sous par enfant à l'alphabet, 10 sous pour les plus avancés, 15 sous pour ceux à l'écriture. La question du logement ne se posait pas si le régent était prêtre du Revest.

 

DES MAÎTRESSES POUR LES FILLES

 

L'enseignement dispensé aux filles par une maîtresse n'apparaît que deux fois dans les archives. Donné par des religieuses, il ne faisait pas l'objet d'un bail.  Toutefois, en 1709, à la demande du curé Jean Teisseire, régent des écoles, on alloue 18 livres à soeur Catherine Teisseire " qui a exercé jusqu'ici gratuitement "Mais les gages de Jean Teisseire en seront d'autant diminués. En 1763, on adjoint une institutrice au régent, Marguerite (pas de nom de famille) qui reçoit 6 livres par quartier.

 

LISTE DES RÉGENTS

 

Le commandant LAFLOTTE termine son étude par l'énumération des régents successifs de cette longue époque.  Des Revestois actuels y  trouveront avec plaisir leur patronyme.  Il peut être intéressant de rapprocher cette liste de celles des consuls de cette époque que notre président-fondateur Charles Aude avait publiées dans les bulletins 1 et 2 de l'Association.

 

 

avant 1610

pas d'archives

 

 

 

 

1610

Étienne CODROU ou CODRON

 

1611

Louis BERNARD

prêtre

1612

Pierre DOMET

 

 

Antoine LAURE

 

1613-1615

Louis BERNARD

 

1616-1617

Honoré JULLIAN

 

1618

Barthélémy de GOURDONNE

 

1619

Gaspard VIDAL

prêtre

1620

école fermée pour cause de peste

 

1621

Jean TEISSEIRE

 

1622

Gaspard VIDAL

 

1623

Claude FAUCON

 

1624

Jacques VITALIS

 

1625-1628

Pierre SAUVAIRE

prêtre du Revest

1629

Louis VIAL

 

 

école fermée (guerre, contagion)

 

1630

H.  HERMITTE

 

1631-1639

Claude FAULCON ou Fulconis

 

1639

Barnabé SALVATORIS

 

1640-1644

Claude MICHAËL

 

1645

Jean ROSSOLIN

prêtre

1646-1648

M.  MASSEBOEUF

prêtre (vicaire)

1649-1650

Laurent AUGÉ

 

1651-1653

Jules CINÉ

 

1654-1656

Honoré BARGETTON

 

1657-1659

école fermée pour cause de peste

 

1660-1661

Barthélémy VIDAL

 

1662-1670

Claude VIDAL ou Vitalis

 

1670-1671

Vincent FOURNIER

 

1672-1677

Barthélémy VIDAL

 

1678

Barthélémy ARTIGUES

 

1679

Barthélémy VIDAL

 

1684-1685

Raymond AUGIAS

 

1686

Jacques DE LA FONTAINE

 

1686-1692

Raymond AUGIAS

 

1692-1697

Jean BARRALIER

 

1697-1698

Elzéar COULOMIER

prêtre du Revest

1699-1702

François GROS

 

1703

Louis GUÈS

 

1704

Jean PAILLOU (?)

 

1705

Pierre LATOUR

 

1705

Jean TEISSEIRE

prêtre

1707

école fermée : guerre

 

1708

Jean TESSEIRE

 

1710

école fermée : gel ; lourdes taxes

 

1714

Sauvaire LIONS

prêtre

1715

Joseph TEISSEIRE

prêtre secondaire

1716

Sauvaire LIONS

 

1720 - 1722

école fermée : grande peste

 

1723

Guillaume LEMONNIER

 

1724

Père LAUTIER

religieux

1725

Joseph PASCAL

prêtre

 

P. GAUTTIER

 

1726

Jean BAUCHIER

prêtre

1728-1732

Honoré CHRIST

prêtre secondaire

1733-1744

Joseph TEISSEIRE

curé du Revest

1744

Sauvaire LIONS

 

1749

ICARD

 

1750

GASTINEL

 

1755

Melchior-Honoré ROUX

 

1756

Pierre CLARY

 

1758

Louis PÈBRE

 

1759

Louis-Abraham ISSAUTIER

notaire

1760

abbé LAURE

prêtre

1761

Augustin BALDOU

 

1762

abbé LAURE

 

1763

 

 

1766

N. MAILLET

 

1767

Honoré POTONNIER

 

1768 - 1769

CHABAUD

 

1770 - 1783

rien aux archives

 

1783

Claude WILLY

 

1785 - 87

Charles-François MAILLET

 

1788

BILLY

 

1789

BELLOS

 

 

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